par Julie Ndaya Tshiteku
Ce numéro est édité au moment où Le carrefour congolais est désormais indexé par la plateforme AJOL (African Journals Online). Après quatre ans de travail assidu, incluant une parution constante, la création et la mise à jour régulière d’un site internet, le renforcement progressif de l’évaluation des projets d’articles, l’obtention des numéros ISBN et ISSN; nous sommes heureux de partager avec vous cette nouvelle. Et tout ceci n’aurait pas été possible sans le soutien de plusieurs bénévoles, en particulier de notre équipe technique. Elle est le pilier de tout le processus de production : a offert dès le début le don de son temps, suit attentivement les évolutions dans le monde éditorial grâce aux formations données par AJOL. Oui, l’alignement du carrefour congolais à cette plateforme d’indexation contribue non seulement à la visibilité (impact factor) des chercheurs, mais est aussi une source des formations permanentes qui contribuent à l’empowerment des éditions. Ce qui donne la possibilité d’être repris dans une base des données bibliographiques connectant les articles publiés dans Le Carrefour congolais au réseau mondial de recherche en ligne, avec la possibilité de créer des DOI pour chaque article.
Le comité éditorial tient à remercier toute personne qui s’est impliquée dans ce processus. Nos restons compter sur vos engagements pour la consolidation de la revue. Ainsi nous pourrons continuer à donner aux auteur.e.s la garanti d’une lecture de leurs articles à la hauteur de ce statut acquis que nous aimerions conserver et étendre.
Bien que ce numéro contienne des articles qui touchent aux domaines différents, nous lui avons donné comme titre « Chez nous c’est comme ça » l’identité et perception de soi en RDC. Nous l’avons fait parce que les contributions qui forment son contenu touchent en filigrane la question de la construction identitaire. L’identité comme stock de connaissance qui permet la perception de soi, transmise de génération en génération, interpelle les forces qui se disputent le terrain dans la socialisation des Congolais. A cause des multiples enjeux, économiques et politiques, les Africains en général ont la difficulté de revendiquer leur différence. C’est ce que quelques contributeurs rapportent. L’article « masculinité positive et construction identitaire, malaise dans la tradition » de Neka Mbangazi et Lunduku Kasanda développe les conflits que provoque l’exportation des images culturelles valorisées ailleurs pour les intégrer dans un autre contexte. Les auteurs partent de la notion de masculinité positive, très à la mode aujourd’hui, qui exalte la coresponsabilité et le rêve égalitaire dans les relations entre homme et femme. Mais ils font remarquer que la masculinité positive comme vécue en Occident met à mal le vécu des traditions enracinées comme valeurs patrimoniales congolaises. Cette constatation est illustrée par l’article de Marcel Kandu qui a observé le rituel d’initiation masculine olusumba chez les peuples Nande. Ce rituel exalte la virilité comme attribut de l’être un homme. Elle est construite progressivement, dès l'enfance à l'adolescence à travers des différents canaux de socialisation. La virilité est confirmée suivant les images traditionnelles lors des épreuves que les jeunes doivent subir durant la période de réclusion dans la forêt. Et prenant un autre domaine, celui de l’anthropologie médicale, Gérard Mbengo montre dans son article « L’avenir de Mukala Mwana Ngombo dans la prise en charge des maladies en milieu africain » que malgré les apparences que laissent percevoir une occidentalisation de surface du recours à la médecine moderne, la pratique divinatoire « ngombo » est vivace tant en milieu rural et qu’en milieu urbain chez les Suku. Cette cure est offerte par les Nganga ngombo. Leur art thérapeutique fait appel aux esprits, aux interdits et aux us et coutumes pour aider la personne malade à récupérer sa santé.
La question identitaire se retrouve aussi dans l’article « Impérialismes et les politiques de développement pour l’Afrique » de Kongolo Delfika Ambroise. Il y examine les débats sur le développement de l’Afrique, dominés par des intentions civilisatrices des puissances coloniales dans leur mission moderniste. L’Afrique est vue comme un vide, un espace sans histoire et qui doit se développer dans le miroir de l’Occident. S’alliant aux autres penseurs africains, l’auteur fait un plaidoyer qui invite l’Afrique à se défaire de l’idée de considérer l’Occident comme centre de la modernité qui dicte à la périphérie son modèle de développement. L’article de Ruffin Makengo Kuhusu « La participation citoyenne à la gouvernance et le développement des entités territoriales décentralisées » relève les difficultés de la politique de décentralisation adoptée pourtant par le gouvernement congolais pour stimuler la responsabilisation des citoyens aux programmes de développement. L’auteur montre que la méconnaissance des mécanismes de participation citoyenne et les conflits politiques entravent l’appropriation des programmes de développement par la population.
Et puis, l’article de Gauthier Musenge Mwanza « Jeux et enjeux dans les échanges économico-sexuels à Kinshasa » examine les stratégies des travailleuses du secteur sexuel pour contourner, face au sida, les obstacles liés au contrôle social et les qualifications dépréciatives de leur métier. Les femmes ont développé une certaine éthique qui leur permet de travailler dans la discrétion. Et Jules Kassay développe aussi des stratégies des acteurs dans son article « Eglises de réveil à Kinshasa et perception des offrandes et dîmes par « Mobile money ». Il examine la manière suivant laquelle les opérateurs religieux, confrontés aux mesures barrières comme le confinement et l’interdiction des rassemblements lors de la Covid-19, ont changé leur mode de fonctionnement. Ils ont recouru aux technologies nouvelles pour rester en contact avec leurs fidèles qui ainsi pouvaient remplir leurs obligations religieuses comme donner la dîme et les offrandes.
Et enfin, l’article de Rosa Manoël Pereira ouvre décrit un rite d’initiation, la fête, dans le Candomblé pratiqué à Rio de Janeiro, Recife, Sào Paolo au Brésil. Cette cérémonie qui a lieu lors des rencontres des membres a beaucoup de similarités avec les cérémonies religieuses syncrétiques en RDC. En effet, le candomblé est une religion issue de la recréation de la culture africaine par les descendants des esclaves.