par Julie Ndaya Tshiteku
« Toza ko rond-point », « on tourne en rond ». Vraiment? Non. On recule. Ce titre, emprunté de l’une des onze contributions réunies dans ce Carrefour Congolais, illustre la réalité quotidienne des milliers des habitants de la République Démocratique du Congo: une précarité chronique, décrite par des générations de chercheurs. Cette précarité, liée à une conjoncture économique difficile et à un recul dans la satisfaction des besoins élémentaires, est souvent récupérée par l’élite politique dans sa lutte pour le pouvoir, promettant une « vie meilleure » qui ne se concrétise jamais.
Gérard Bisambu, Bertin Tshama Kanumbi et Matangila Zenga, dans leur article intitulé ‘Stratégies de campagnes électorales à Kinshasa : combat et procès du pouvoir politique controversé’, analysent comment les stratégies électorales des politiciens, basées sur des promesses d’amélioration sociale, plongent la population dans une euphorie temporaire. Après les élections, cependant, ces promesses se révèlent être une illusion, une sorte de fata morgana. De manière similaire, Gaël Abala Sheta, Meril Matha Bedinel et Rose Mbele Joy, dans leur article ‘Tiraillements au sein des institutions provinciales de Kinshasa et ses conséquences sur le développement de la province’, examinent les espoirs déçus suscités par l’élection des gouverneurs de provinces en mai 2019. Cette élection avait éveillé des attentes au sein de la population, mais la mauvaise gouvernance qui s’en est suivie a engendré des désillusions. Les défis rencontrés (inefficacité du contrôle parlementaire, manque de confiance entre les institutions, insouciance de la population) ont compromis les chances de développement.
Papy Bubu Kangunza, Garry Makukila Kihosambuta et Herman Mulopo Pemba, dans ‘Lutte contre le tribalisme : un impératif pour le développement de la RDC’, répertorient différentes pratiques tribalistes et analysent comment le favoritisme et le laxisme, bien qu’en contradiction avec les lois et règlements, freinent les institutions de la République. Le tribalisme, souvent accompagné de corruption et d’injustices, plonge le pays dans une incapacité à remplir ses fonctions régaliennes, sapant ainsi les fondements constitutionnels de l’État. Dans l’ article ‘L’infertilité dans les couples hétérosexuels à Kinshasa : gestion dans les rapports sociaux des sexes’, Gauthier Musenge Mwanza explore les difficultés sociales rencontrées par les couples dans une société congolaise profondément pro-natale. L’échec du projet de procréation place les couples dans une marginalité sociale. Là où les femmes multiplient les actions pour concrétiser l’idéal de maternité, l’infertilité masculine demeure un tabou rarement abordé.
Achille Lokwa Lenzimi, dans son article ‘Conflits et escroqueries fonciers comme mode d’acquisition des parcelles dans la ville de Kinshasa’, met en lumière une problématique récurrente en RDC. L’escroquerie foncière, exacerbée par la rareté des terrains et les défaillances de l’État, crée des conflits interminables entre acquéreurs, vendeurs et agents des affaires foncières, entravant ainsi une gouvernance efficace dans ce secteur.
La contribution de Mazarin Pierre Mfuamba Katende, ‘La place de l’hypothèse dans une recherche scientifique’, explique le rôle crucial de l’hypothèse comme point de départ dans une recherche exploratoire. Il clarifie comment formuler une hypothèse de manière rigoureuse pour anticiper les résultats attendus et structurer une étude scientifique.
Yasser Arafat Atul, Marie-Jeanne Atul Nyota et Naomie Muya Wa Muya, dans ‘L’impasse des parcs nationaux à l’Est de la RD Congo : les actes écocides des groupes armés’, examinent l’impact des conflits armés sur l’écosystème. Ces conflits, alimentés par la convoitise des ressources naturelles, détruisent les parcs nationaux, mettant en péril la faune et la flore, dans un contexte de tensions et d’antagonismes entre divers acteurs. Les mêmes auteurs, dans ‘La traite négrière transatlantique du 15e au 19e siècle’, revisitent cette période sombre, la qualifiant d’activité mercantiliste aux conséquences désastreuses sur l’économie, la culture et la démographie africaines. Ce commerce, basé sur la déshumanisation des Africains, a servi à bâtir les économies occidentales.
Didier Kutakani, Jérémie Kisudikila Likuikila et Charles Mwaley A Mandev, dans leur article ‘Sensibilisation et gestion de l’hygiène menstruelle en milieu du travail et scolaire dans la ville province de Kinshasa’, soulignent l’importance d’une gestion saine et inclusive de l’hygiène menstruelle. Les préjugés, tabous et discriminations liés à ce phénomène créent des défis pour les femmes, aussi bien dans les écoles que sur les lieux de travail.
Dans leur contribution ‘Gestion des conflits de routes dans les carrefours , cas du croisement Elengesa-Kikwit ’ Paul Menayame Diyalomba, Fabrice Matantu Ndongola et Reagan Masunda Yakankazi examinent deux voies routières construites pour désenclaver la grande population des communes côtières. Mais ils constatent qu’au croisement de ces deux routes naissent des conflits routiers causés par des embouteillages, des accidents, des pillages et des vols des biens. Les résultats du travail des chercheurs ont permis de dégager quelques pistes de solution pouvant résoudre les conflits routiers et garantir la sécurité des utilisateurs.
Enfin, Patience Kamanda Londo et Joseph Mimbale Molanga, dans ‘L’initiative transaqua à la lumière du constructivisme : réévaluer le sauvetage du lac Tchad en relations internationales’, explorent cette collaboration transnationale visant à revitaliser le lac Tchad grâce aux eaux du Congo. Leur analyse constructiviste met en lumière l’importance du contexte et de la construction sociale des intérêts nationaux dans ce type de projet.